Présidentielle 2022, une victoire à la Pyrrhus

Un deuxième tour le 24 avril 2022, pas vraiment surprenant ?

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Des observations factuelles agrémentées de quelques commentaires…  écrits après avoir écouté « Je veux Vivre » par Arno et Sofiane Pamart… est-ce inspirant ?

Première obs : 58,5% des suffrages valablement exprimés pour E. Macron, ce qui confirme la tendance observée depuis 1965 d’une correspondance à ±3% entre le résultat du vote et le dernier sondage réalisé avant le deuxième tour  (cf. Voter blanc, quelle signification?) En 2022, le dernier sondage IPSOS du 22 avril (personnes certaines d’aller voter sur un échantillon de 12.129 personnes) indiquait : 56,5% soit une différence de deux points, et un taux d’abstentions de 27,5%, alors qu’il est en réalité de 28. Abstentionnistes (plus nombreux qu’en 2017) et votes blancs et nuls (moins nombreux) s’équilibrent d’une élection à l’autre (cf. ci-dessous), et n’ont pas eu d’influence sur l’écart du résultat final ; les “castors”, mis en confiance par la solidité de leur grand barrage, auraient pu alors se faire moins peur ! « Je dis à Emmanuel Macron que les castors sont fatigués » [Éric Piolle, maire de Grenoble | Actu Grenoble | 11 avril 2022]

Les données ci-dessous présentent des résultats calculés sur les inscrits et non sur les votes valablement exprimés, ce qui permet une représentation plus juste de la réalité.

Deuxième obs : comparaison 2017 et 2022
presidentielle2022_resultats* les absentions sont plus nombreuses : +2,6%, et arrivent en deuxième position
* les votes blancs et nuls sont moins nombreux : -2,4%
Ce que fait que le total abstentions+blancs+nuls est quasi identique (34 et 34,2%) pour les deux élections.
Le vote blanc, bien que plus signifiant politiquement que l’abstention, demeure sous exploité ! Il conviendrait alors de lui donner plus de sens qu’une simple comptabilité, en faisant en sorte qu’il soit pris en compte, tel un candidat, dans les suffrages exprimés ; ce qui conduirait à une baisse, pouvant être significative, des pourcentages des candidats personnes physiques. Qu’arriverait-il si le candidat « Vote blanc » était en tête, voire serait majoritaire, tel dans « La Lucidité » de José Saramago ? Cette question ne mériterait-elle pas d’être abordée plus nettement ? [Cf. “Que changerait la reconnaissance du vote blanc?” | Le Monde | 11 avril 2017]

Troisième obs : E. Macron perd 5,1% des voix entre 2017 et 2022. Et avec 38,5% des inscrits il est bien loin d’une majorité absolue. Ses « grands » soutiens ont pourtant affirmé : « Nous avons une majorité de Français qui font confiance à notre président » (Richard Ferrand, France 2) « Cette victoire est large«  (Éric Dupont-Moretti, Champ de Mars) « Un choix net qui donne un mandat solide à E. Macron et à sa majorité«  (Bruno le Maire, Champ de Mars). Or il n’y a ni majorité des Français, ni victoire large et encore moins de choix net et de majorité élue ! En fait, E. Macron a une faible assise électorale, et de surcroit en partie due aux “castors”. Il n’y a donc pas de quoi pavoiser et d’envisager un climat « apaisé » pour les cinq années à venir. Mais de là à lui faire un procès en illégitimité ne me semble pas des plus astucieux, d’autant plus que J-L. Mélenchon, premier à y faire mention dès les résultats connus, a commis une erreur en déclarant que E. Macron est élu avec moins d’un tiers du corps électoral, or 38,5 c’est quand même plus qu’un tiers de 100 !

Quatrième obs : le résultat de M. le Pen , 27,3% avec une progression de 5% en cinq ans, est inquiétant et devra être analysé minutieusement. Pourquoi en est-elle là et comment y est-elle parvenue ? Quelques pistes :

  • « Résultats présidentielle : quel est le profil des électeurs d’Emmanuel Macron, de Marine Le Pen et des abstentionnistes ? » [infographie FranceInfo | 25 avril 2022].
  • « Depuis 2002, comment le parti de Marine Le Pen a amélioré son score au second tour de la présidentielle » [Léa Sanchez et Raphaëlle Aubert, Le Monde | 25 avril 2022]
  • Je trouve étonnant son « succès » en milieu rural qui est généralement peu concerné par les « troubles » insécurisants du milieu urbain. Une journaliste du Monde s’est rendue dans la Sarthe, département solidement ancré à droite, pour y rencontrer des maires et des électeurs de petites communes. « Telle Brûlon (1.550 habitants) où M. le Pen arrive en tête au 1e tour avec 32,2% et obtient 50,5% au deuxième. Pourtant, pour le maire, cette commune a “tout ce qu’il faut d’aménités, loin d’être abandonnée : des emplois, une maison médicale avec sept médecins, une France services, des commerces, des écoles neuves… Les gens sont peut-être bien localement, mais il y a une rupture avec les politiques nationales, un ras-le-bol qui a besoin de s’exprimer.” […] Un paradoxe que souligne aussi le maire de Fercé-sur-Sarthe (590 habitants), à 20 km. D’un côté, un village “apaisé”, des administrés qui “font société”, s’investissent dans leur vie locale… De l’autre, un vote RN qui l’aura emporté à 59,3% au second tour. […] Pour le maire, “Après la crise des “gilets jaunes”, on a pu penser qu’il y avait une prise de conscience gouvernementale. Il y a eu des débuts de réponses, mais ça reste malgré tout éloigné et dilué.” […] A Brûlon, Séverine et Pascal… ont donné leur voix à Marine Le Pen, “pour la retraite, le pouvoir d’achat, ses mesures pour les jeunes”, notamment l’exonération d’impôt pour les moins de 30 ans, eux qui ont des fils vingtenaires. “On vote maintenant à l’inverse de ce que votaient nos parents”, note Pascal, qui s’est fait sermonner par son père, ancien chauffeur routier, tradition communiste Lutte ouvrière. Pascal est mécanicien dans un garage, Séverine est assistante maternelle à domicile. Ils ont trois enfants. » [Camille Bordenet, “Est-ce qu’au vu du score du RN dans nos zones rurales ils vont se réveiller à Paris ?” | Le Monde | 24 avril 2022].

Les témoignages de Séverine, de Pascal, et de plusieurs autres dans un dossier réalisé par Libération, ne sont-ils pas un début de réponse aux questions du début de cette observation ? « Les campagnes de la Somme ont voté, hors Amiens, à 61% pour Marine Le Pen. Alors, on fait quoi ? On les abandonne au RN ? Non, on relève le gant, ici et ailleurs. Sur le papier, électoralement, je suis mort ! Et pourtant, on va ressusciter, et pourtant, à la fin, c’est nous qu’on va gagner ! » [François Ruffin | 28 avril 2022]

Cinquième obs : que reste-t-il de notre démocratie représentative ? La progression des abstentions pour toutes les élections, exception relative pour les municipales, est une réalité du XXIe siècle et rien n’a vraiment été trouvé pour l’enrayer. Ce qui fait que des hommes et des femmes peuvent être élus sans sourciller avec des scores de 20-25% des inscrits, à quelle représentativité peuvent-ils alors prétendre ? Jusqu’à présent l’élection présidentielle avait échappé à l’érosion, mais elle progresse avec 28% au deuxième tour ; au premier elle est devant tous les candidats : 26,3% avec une progression de 4,1% par rapport à 2017. Certes on est encore loin des 50% des élections européennes de 2019, mais faut pas désespérer ! Il y a donc bien une crise sérieuse de la démocratie représentative et les partis politiques ne savent trop comment y répondre : vote obligatoire ? Vote en semaine ? Proportionnelle ? Valorisation du vote blanc ? seuil minimal en nombre de voix pour être élu ? etc.
« Quand, en démocratie, la moitié de l’opinion vote pour des partis antisystème ou s’abstient, la Constitution mérite d’être révisée », Marie-Anne Cohendet, professeure en droit constitutionnel [à lire dans Le Monde | 28 avril 2022]

Sixième obs : L’avenir en commun de l’Union populaire va-t-il se réaliser lors des élections législatives ? C’est loin d’être acquis, déjà parce que le clan du président élu a un avantage certain qu’il est difficile d’inverser, depuis que les législatives ont été couplées à la présidentielle cela ne s’est pas produit. Ensuite, les résultats de toute la gauche au premier tour de la présidentielle ne prêtent pas à un grand optimise ! Tout à fait sommairement, on peut dégager quatre grandes tendances dans l’électorat (pourcentages sur inscrits au premier tour) :
* droite : LREM + Les Républicains + Lassalle = 25,8%
* extrême droite : R N + Zemmour + Dupont-Aignan = 23,3%
* gauche : Union populaire + Verts + PCF + PS+ NPA + LO = 23%
* abstentions + Blancs + Nuls (ABN) = 27,9%
Si, tout à fait arbitrairement, on applique ces taux pour l’attribution des sièges (577) à l’Assemblée nationale on obtient : Droite 149 députés / extrême droite 134 / Gauche 133 / ABN 161
Donc une assemblée ingouvernable avec des ABN qui devraient normalement être les plus représentés ! Bien entendu la réalité des législatives sera toute autre, mais cette représentation quelque peu farfelue laisse présager les difficultés que vont rencontrer les candidats aux législatives pour parvenir à une majorité stable. Si par exemple, les abstentionnistes se rendent en nombre aux urnes, pour quelle tendance voteront-ils ? Mais il s’agit déjà de les convaincre de ne pas préférer la vraie campagne du printemps à une campagne électorale pas super motivante…

Le Président de la République, dans son discours du Champ de Mars (24 avril) au soir de sa réélection, a appelé à être « bienveillant et respectueux » dans une France « apaisée » et s’est engagé à « l’invention collective d’une méthode refondée » afin de ne « laisser personne au bord du chemin ». Mais je me demande si dans cette recherche d’apaisement plutôt utopique, il ne vaudrait pas mieux élire une Assemblée majoritairement « Union populaire » donc avec un Premier ministre et un gouvernement issus de ses rangs, on y gagnerait sans doute quelque tranquillité au moins un bout de temps…  On essaye ? 

plantuEt pour clore de façon apaisée : Belle-Île en avril, avec le commentaire de la photographe Claire : « Tant de beauté, ça frôle l’impertinence… »

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