Vers une nouvelle révolution agricole ?

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Cf. également : “Autosuffisance alimentaire : les défis de l’agriculture urbaine et rurale


Quelles relations peut-on envisager entre : surface agricole utile, artificialisation des sols, croissance de la population, autosuffisance alimentaire coopérative ? État des lieux et prospective.

Telle est la problématique que je souhaite aborder avec l’intention de tenter d’articuler ses différents paramètres pour démontrer avec des données chiffrées qu’il est encore possible de projeter une politique agricole d’envergure dont la finalité serait la production d’une alimentation ne mettant pas en péril le monde vivant de la planète Terre. L’humanité devrait pouvoir être en mesure de satisfaire le besoin vital de se nourrir en veillant d’une part, au maintien de l’équilibre de la biodiversité et des écosystèmes [cf. Observatoire National de la Biodiversité : bilan 2018], d’autre part à la maîtrise du réchauffement climatique, depuis que Homo sapiens  a découvert l’usage énergétique de certaines ressources naturelles pour en faire industrie. Mais nous éprouvons beaucoup de difficultés à enrayer ce réchauffement faute sans doute d’un projet politique cohérent.

Recentrer la vie sur l’agriculture, c’est-à-dire la culture du “champ” (agros en grec) en pleine terre, et non hors sol, pour produire de quoi s’alimenter, n’est-ce pas l’essence même de l’existence ? J’ai en mémoire le propos d’un agriculteur de Terre de liens : “paysan…, paysage…, pays… sont des mots ayant la même racine, n’oublions pas notre responsabilité paysanne !”

  1. Sixième extinction massive ?

Pour le biologiste naturaliste Benoît Fontaine [2018] « les vertébrés reculent de façon massive et la sixième extinction ne fait plus de doute pour personne » [1] ; ce qui n’est pas tout à fait exact puisque Stewart Brand, écologiste américain très écouté mais aussi contesté car partisan de l’énergie nucléaire et des cultures transgéniques, ne partage pas cette unanimité : « L’idée que nous nous dirigeons vers une extinction massive n’est pas seulement fausse, c’est une recette pour la panique et la paralysie », la question n’étant pas la disparition d’espèces entières mais « le déclin des populations animales sauvages » [2015, [2], déclin que l’on parviendrait à enrayer en mettant en œuvre une écologie pragmatique d’envergure [3].

Gardons l’hypothèse de la sixième extinction, pour faire le constat avec de nombreux chercheurs qu’elle se différencie très nettement des précédentes puisque Homo sapiens en serait le principal responsable par son activité agricole et industrielle perturbatrice de la biodiversité et des écosystèmes, et ce sur une durée relativement courte d’environ deux siècles ; alors que les précédentes extinctions s’étalaient sur deux à trois millions d’années. Ainsi lors de la cinquième il y a 66 millions d’années, les dinosaures et autres espèces n’ont pas disparu massivement du jour au lendemain, puisque, en dehors de l’impact de l’imposant astéroïde (10 km de diamètre), ce serait un lent et net refroidissement de la planète qui en serait la cause principale, sans pour autant entraîner l’élimination de toute vie sinon nous n’en serions pas à nous interroger sur l’avenir de la Terre !

Ces périodes d’extinction massive ont de quoi inquiéter, mais il est quelque peu rassurant d’observer que la vie continue malgré des disparitions importantes d’espèces ; la faune et la flore s’adaptent lentement sur des millions d’années et « la biodiversité reprend le dessus avec une diversité plus importante » [Fontaine B. 2018] ; ainsi les dinosaures volants, sans doute les seuls survivants de l’espèce, sont devenus les oiseaux d’aujourd’hui, qui à leur tour sont menacés par le manque d’insectes pour se nourrir ; ce déclin, imagé par le “syndrome du pare-brise”, concerne actuellement 40% des espèces d’insectes dont les pollinisateurs [cf. Grandcolas P. 2019 [4]

Une extinction, massive ou non, est en cours c’est indéniable et les constats  établis par les très officiels “Observatoire National de la Biodiversité” et “Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité” (IPBES) sont sévères :

À l’heure actuelle, le taux d’extinction des espèces est environ 100 à 1.000 fois supérieur au taux moyen d’extinction mesuré au cours des temps géologiques :

  • De 1970 à 2012, les populations d’espèces sauvages de vertébrés ont diminué de 38 % dans les habitats terrestres et de 81 % dans les habitats d’eau douce.
  • Les zones humides, écosystèmes particulièrement riches en biodiversité, figurent parmi les écosystèmes les plus dégradés du fait de leur transformation (drainage et conversion) en zones agricoles plus ou moins intensives ou en zones urbaines. Ainsi, 87 % d’entre elles ont disparu au cours des trois derniers siècles et 54 % depuis 1900. Or, la perte de biodiversité affecte le bon fonctionnement des écosystèmes et leur résilience : c’est une forme de dégradation des terres.
  • La capacité des écosystèmes et de l’agriculture à produire de la matière organique (végétale) à partir du CO2 et de l’énergie du soleil (productivité primaire nette de biomasse) est globalement inférieure de 23 % au niveau qu’elle aurait en contexte non dégradé.
  • Au cours des deux derniers siècles, les activités humaines ont causé la perte moyenne de 8 % de la teneur des sols en carbone organique, un indicateur de leur état et de leur fertilité. Dans les pays tempérés, on atteint des pertes de 25 % à 50 % dans les couches supérieures du sol après 30 à 70 ans de culture. Une des causes est l’exportation de la matière organique lors des récoltes au lieu d’en laisser une partie se dégrader au sol, sur place.

biodiversite en europeEn Europe de l’Ouest, L’empreinte écologique (consommation) est de 5,1 hectares (ha) par habitant, elle est nettement plus élevée que la biocapacité naturelle de renouvellement, 2,2 ha par habitant, « autrement dit, la consommation d’un européen entraîne l’importation de ressources naturelles occupant 2,9 ha de terres hors des frontières.

Il devient donc urgent que ce déficit chronique soit nettement réduit par, entre autres, une politique agricole permettant que nos besoins alimentaires basiques puissent être satisfaits en grande partie en productions locales. Est-ce que cela paraît possible ? C’est ce que nous allons tenter d’évaluer pour le territoire de la France entière (métropole et TOM)

C’est une nouvelle révolution agricole qui est projetée, révolution dans le sens d’un apport culturel, technique, politique… de grande ampleur entraînant d’importants changements dans le monde du vivant. Cet imaginaire est d’ailleurs amorcé par de multiples innovations riches d’enseignements mais qui demeurent trop en marge, faute sans doute de relais politiques et médiatiques suffisamment connus et puissants pour en faire un récit convaincant.

Cette intention révolutionnaire est sans aucun doute fort utopique, mais il s’agit déjà de prendre la mesure chiffrée de ce qui serait envisageable en partant des données actuelles sur la manière dont est utilisée la superficie du territoire français ; puis en projetant ces données jusqu’à la fin de ce siècle, avec l’hypothèse qu’une quasi-autosuffisance alimentaire bio pourrait s’envisager pour tous les habitants et sur la superficie utilisée aujourd’hui par l’agriculture. Si cette hypothèse se vérifie, elle conduira à l’idée que l’agriculture (re)devienne le principal pivot social et environnemental pour réduire en partie le réchauffement climatique, redonner à la biodiversité son rôle régulateur du vivant, proposer une alimentation saine produite le plus localement possible et créer des emplois. Projet qui serait à construire de façon concertée entre producteurs, consommateurs et services publics avec une gouvernance en communs très décentralisée.

  1. Utilisation 2017 de la superficie de la France entière

Définitions [Agreste, ministère de l’agriculture et de l’alimentation, 2017] :

  • Surface non utilisable : montagnes, bords de mer, espaces aquatiques, maquis, garrigues, zones naturelles protégées non productives
  • Surface agricole utilisée (SAU), avec deux principaux volets : terres arables (labourables) destinées aux cultures céréalières, fruitières, florales, et légumes frais ou secs (SAU arable) | terres en prairies permanentes (fauchées ou non) et pâturages, destinés à l’élevage animal (SAU élevage)
  • Surface artificialisée : sols bâtis | sols revêtus et stabilisés (routes, voies ferrées, parkings, chemins…). | espaces verts publics non producteurs de consommables.
  • Surface boisée: forêts, peupleraies, bosquets, haies

Population recensée en 2016 : 67.200.000 personnes demeurent sur le territoire français. Le taux annuel moyen de croissance de la population française est de 0,5% depuis 2009.

Observations 2 :

  • dans l’absolu chaque personne pourrait actuellement disposer de presque un demi-hectare pour se nourrir et se loger (4.300 m²+240 m²) dans l’hypothèse d’une répartition de l’occupation du sol totalement égalitaire. Donc l’option (développée dans un prochain article) envisagée par la collapsologie et le survivalisme “chacun chez soi en cultivant son jardin” pour une autosuffisance maximale, pourrait s’envisager ; raisonnement quelque peu absurde et irréaliste. En effet tout le monde n’a ni l’envie, ni les moyens, ni le temps de cultiver son jardin, et la multiplication de l’habitat individuel avec potager, déjà problématique à ce jour, amplifierait grandement les déplacements, donc les tracés de route et les véhicules motorisés, et que deviendraient les agriculteurs, les entreprises et commerces de l’agroalimentaire ? Aussi pour la suite je conserverai l’hypothèse d’une possible autosuffisance alimentaire avec une approche beaucoup plus collective ou communautaire ou bien encore communale dans le sens premier du mot : au Moyen-âge, bourg ou ville affranchie du joug féodal et administrée par ses habitants les bourgeois : par exemple Villefranche-sur-Saône (charte de franchise en 1260), Sienne en Italie…
  • Dans la SAU, les surfaces consacrées aux monocultures céréalières et vinicoles sont importantes : par exemple près de trois millions d’hectares pour le maïs dont la culture utilise beaucoup d’eau, de produits phytosanitaires et pesticides pouvant affecter gravement les écosystèmes. Dans les prochains calculs cette superficie ne vient pas en déduction de la SAU, avec le souhait que le principe même de la monoculture soit réexaminé très attentivement.
  • en surfaces boisées la forêt en Guyane occupe à elle seule huit millions d’hectares (32% du total surface boisée) auxquels s’ajoutent quelques milliers dans les autres TOM. En métropole la forêt seule progresse de 0,7% par an au détriment des terres agricoles, [IGN 2019], mais aurait une légère tendance à diminuer dans les TOM ; aussi notre estimation du taux moyen annuel de croissance pour l’ensemble des surfaces boisées est de 0,15% venant en déduction de la SAU. La réimplantation de haies en surfaces agricoles dans plusieurs régions provoque certes une légère perte en SAU, mais permet de limiter l’érosion des sols, de favoriser la biodiversité et d’apporter de l’ombre aux troupeaux ; ainsi par exemple, La ferme bio de la Fournachère (Rhône) va prochainement implanter sur un kilomètre 2.000 plants d’arbustes, en partenariat avec le Parc Naturel Régional du Pilat (Loire)
  • en surfaces artificialisées les routes et autoroutes représentent à elles seules 79% du réseau transport [Actu environnement, 2014] alors que l’emprise des voies ferrées est de 13%, bâtis compris |Certu, 2012] ; cet important écart indique clairement les modes de transport actuellement privilégiés. Les 8% restants sont consacrés aux rives des voies fluviales aménagées. Le taux moyen annuel de croissance des surfaces artificialisées est de 0,8%, constant depuis 2010 (il était de 1,3% entre 1992 et 2009). dont 90% impacte la surface agricole [gouvernement.fr 2016].

3. Estimation de la SAU jusqu’en 2100

Pourquoi 2100 ? La fin d’un siècle sert souvent de référence pour parfois prédire le pire, genre “En 2100, les trois quarts de l’humanité risquent de mourir de chaud”, ou imaginer qu’une toute petite partie de l’humanité sera devenue extraterrestre, installée sur Mars ou sur des planètes artificielles ! En attendant je garde l’idée d’une solide résilience humaine permettant, à certaines conditions, de maintenir le monde vivant en bon état ! « Il est possible que dans quelques centaines d’années, nous aurons établi des colonies humaines dans le cosmos ou sur d’autres planètes. Mais pour le moment, nous n’avons qu’une seule et même planète et nous devons nous serrer les coudes pour la préserver » [Hawking S. 2016 [5]

croissance pop_2010-2100
pop et sau

Observations 3 :

  • Si les actuels taux moyens annuels de croissance en population (0,5%), surface boisée (0,15%) et surface artificialisé (0,8%), restent constants jusqu’à la fin du XXIe siècle, la perte en SAU sera de l’ordre de 29%.
  • La croissance exponentielle de la population va de pair avec celle de l’artificialisation des sols, en effet les besoins en logements, bâtiments publics, parkings, grandes surfaces commerciales… augmentent en toute logique et de nombreux hectares de terres arables seront donc utilisés. Est-ce que la superficie du territoire français, non extensible, et peut-être même quelque peu réduite par la montée du niveau des mers, peut supporter une population de plus de 100 millions de personnes ? Dans l’absolu oui, puisque par habitant, la surface pour l’habitat resterait autour de 250 m², et que la SAU, bien que réduite de plus de la moitié, resterait de l’ordre de 2.000 m² par personne. Cependant les estimations qui vont suivre révèlent un possible manque en surface agricole à partir de 2075
  • La situation de l’ensemble de la planète est tout autant problématique, puisque, d’après l’ONU, sa population est estimée pour 2100 à environ 11,2 milliards personnes (7,55 milliards en 2017). Cette explosion suscite bien des questions dont celle du contrôle des naissances, et Thomas Malthus n’est pas loin pour nous rappeler que le problème est vaste et fort complexe car tout à la fois : économique, social, géopolitique, éthique… sans pour autant partager ses options politiques !
  1. Autosuffisance alimentaire

Pour l’Organisation des Nations-Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) l’autosuffisance alimentaire est “la satisfaction de tous les besoins alimentaires d’un pays par la production nationale”. La France en serait à 83%. Dans cette définition le “tous” peut faire question, puisqu’un pays comme la France n’est pas actuellement en mesure de produire certaines denrées en quantités suffisantes : café, cacao, épices, oranges… On peut estimer qu’elles ne sont pas basiques et qu’il est possible de s’en passer, mais est-ce vraiment possible et souhaitable ? Donc l’autosuffisance a des limites et ne peut raisonnablement s’envisager comme un tout. Cependant mon hypothèse est basée sur une production alimentaire localisée au maximum, disons à un niveau communal ou intercommunal. Déjà plusieurs villes importantes l’ont inscrite dans leurs objectifs :

  • Albi (49.100 habitants) : « En 2014, la Ville d’Albi s’est fixée l’objectif d’atteindre l’autosuffisance alimentaire à l’horizon 2020. La finalité de ce projet est l’approvisionnement des ressources alimentaires pour l’ensemble des albigeois dans un rayon de 60 km » [Albi site officiel]
  • Rennes (214.000 habitants) « Tout a commencé le 27 juin 2016. Le conseil municipal de Rennes décidait d’entamer la route vers l’autosuffisance alimentaire de la ville. Labellisée “Ville comestible de France” » [Rennes métropole]

Ces deux projets s’appuient en partie sur le concept de “l’agriculture urbaine” dont l’intérêt est avant tout de l’ordre du plaisir de faire avec ses mains et de la pédagogie pour découvrir comment pousse une plante, je doute en effet que les surfaces agricoles disponibles en milieu urbain permettent une production au-delà de l’épiphénomène.

Quelle serait aujourd’hui la surface en terre cultivable nécessaire pour une production alimentaire bio en pleine terre et variée pendant un an, à raison d’une moyenne d’un bon kilo par jour de nourriture par personne en tenant compte des déchets ? Dans les actuelles et nombreuses approches de l’autosuffisante alimentaire les évaluations en surface cultivable vont de 250 (Vivre demain) à 2.000 m² (Le Sens de l’Humus) en fonction de ce qui est pris en compte et de la manière de produire. J’ai retenu la proposition sans alimentation carnée de “Fermes d’avenir” avec une surface de ≈1.500 m², elle me semble en effet la plus réaliste ; et, n’ayant pas l’option végane, je lui ajoute ≈1.000 m² pour l’élevage, en supposant que la baisse en cours de la consommation en viande se maintienne. Pour les produits laitiers la source est “La filière laitière française et pour les produits carnés une publication du Centre de Recherche pour l’Étude et l’Observation des Conditions de Vie [CRÉDOC sept.2018]

Observations 4 :

  • Ces données représentent une moyenne générale ne prenant pas en compte certains paramètres : climat, qualité du sol, eau, habitudes alimentaires, coutumes…, elles seraient donc à ajuster en fonction des réalités locales.
  • Dans l’immédiat, ces résultats vont permettre une évaluation théorique de la surface agricole nécessaire pour une quasi-autosuffisance alimentaire sur l’ensemble du territoire français d’aujourd’hui à 2100, les actuels taux de croissance de la population et de la surface artificialisée servant de références statistiques et en supposant qu’ils restent constants.
  • Suivra une estimation pour une commune d’un peu plus de mille habitants et pour une communauté de dix-huit communes comptant 73.150 habitants, l’une et l’autre dans le département du Rhône.
  1. Estimation des pertes en SAU d’ici 2100 et conséquences

croissance_2

Observations 5 :

Compte tenu de la croissance de la population (taux annuel 0,5 %) entraînant pratiquement un doublement de l’artificialisation des sols (taux annuel 0,8 %), la courbe ascendante de la surface pour autosuffisance alimentaire (sur une base estimée à 2.500 m.² par habitant) croiserait vers 2080 celle descendante de la surface agricole utilisée, pour ensuite nettement s’en écarter ; la surface agricole nécessaire deviendrait ainsi insuffisante pour répondre aux besoins alimentaires d’une population grandissante et de plus en plus attentive à la qualité de la production agricole.

Une hypothèse végétarienne (ou végane), avec 1.500 m.² de surface cultivable éviterait cette jonction du moins jusqu’en 2100, mais il semble impossible de faire de cette hypothèse un projet commun, ce qui n’empêche pas d’envisager une réduction de la consommation de viande.

  1. Deux exemples locaux pour illustrer l’hypothèse de l’autosuffisance alimentaire

J’ai retenu deux territoires dans le départements du Rhône :

  • Rontalon”, commune de ≈1200 habitants dans les monts du lyonnais à 30 km. du centre de Lyon, avec une production agricole polyvalente : céréales, élevage, maraichage et fruits
  • Agglo Villefranche Beaujolais” (CAVBS), 73 300 habitants, institution intercommunale rassemblant dix-sept communes rurales (dont une dans l’Ain) et la ville de Villefranche-sur-Saône (37 300 habitants) à 36 km. de Lyon, et dont la grande caractéristique est la production de plusieurs crus des vins du Beaujolais, c’est la principale activité agricole pour douze communes du CAVBS ; la commune la plus éloignée du centre de Villefranche est à 14,5 km.

Il sera également fait allusion à la métropole de Lyon

En recensement agricole Agreste-INSEE n’a pas encore produit de statistiques postérieures à 2010. Ces données comparées à celles de 2000, permettent d’observer une nette évolution dans des territoires à dominante rurale et proche d’une grande métropole, les transformations qui en résultent ont de quoi interroger surtout si elles se sont poursuivies au même rythme au-delà de 2010. Ces statistiques distinguent : terres labourables (céréales, légumes…) / cultures permanentes (fruits, vignes…) / surface toujours en herbe (élevage ou friche provisoire).

Entre 2000 et 2010 comment a évolué l’agriculture sur les sites retenus ?

Observations 6 :

  • dans les deux cas les flux habitants sont positifs, mais négatifs pour les exploitations agricoles, ce qui signifie moins d’agriculteurs et plus de néo-ruraux non cultivateurs sinon de leur jardin potager s’ils en ont un. Toutes les communes rurales du CAVBS sont concernées par cette évolution.
  • une baisse importante de la surface agricole utilisée surtout pour la CAVBS avec une chute des surfaces consacrées au vignoble, mais qui ne profite pas ou très peu aux autres types d’utilisation. Je n’ai aucun renseignement pouvant expliquer cette baisse de production du Beaujolais.
  • L’autosuffisance alimentaire ne pourrait pas s’envisager globalement pour le CAVBS faute d’une SAU par habitant nettement insuffisante, 868 m² sur les 2.500 envisagés ; de plus la vigne occupe plus de 50% du SAU et la production agricole locale semble fort loin de pouvoir assurer l’alimentation de la ville de Villefranche qui, pour ses 37.200 habitants, aurait besoin de 9 300 ha alors que la SAU actuelle de l’Agglo est de 6.348 ha, à supposer que cette surface n’ait pas diminué depuis 2010. la population urbaine doit donc trouver des fournisseurs dans un environnement plus large.
  • La situation de Rontalon semble nettement plus satisfaisante dans la mesure où cette commune, bien qu’ayant perdu en dix ans 9% en SAU, pourrait largement être autosuffisante avec une surface agricole par habitant de 5.600 m² (plus de deux fois l’hypothèse 2.500 m²), soit un total de 294 ha en SAU alors qu’elle est de 664 ha (2010). La production agricole excédentaire peut donc être proposée à la vente sur d’autres territoires, la métropole lyonnaise par exemple.
  • Avec la Métropole (59 communes) on change complètement d’échelle et l’autosuffisance alimentaire devient un concept inopérant pour un tel territoire. En effet, la population de 1.381 million d’habitants nécessiterait à elle-seule ≈345.000 ha en SAU ! Sur ce territoire fortement urbanisé (densité : 2.590 hab/km²), la SAU était en 2010 de 4.400 ha, soit 8% de la superficie totale de la Métropole, qui comprend également 2.830 ha de parcs publics classés en zone naturelle protégée, poumons verts d’une cité qui en a bien besoin. Pour se fournir en produits alimentaires la Métropole n’a pas d’autre choix que de se rendre bien au-delà de ses limites territoriales.

Terre de liens Normandie a créé un convertisseur qui permet d’estimer pour chaque commune, quelle que soit sa taille, d’une part, la surface agricole utile pour l’alimentation des habitants résidents, d’autre part, le nombre d’agriculteurs nécessaires pour le travail agricole. Les résultats obtenus pour les exemples ci-dessus sont proches de nos estimations. Cet outil utile est d’un maniement aisé.

  1. Des question à approfondir

  • Au regard de cette évaluation chiffrée, il ne semble pas possible de faire de l’autosuffisance alimentaire un absolu ; en effet, dès que l’on entre dans des densités de population élevées, les surfaces agricoles utiles se réduisent logiquement beaucoup. Donc villes, et encore plus métropoles, doivent dépasser leurs limites territoriales pour se fournir en produits alimentaires ; reste à savoir quel en serait le rayon en tenant compte de la nécessité de réduire les trajets pour le transport : celui de 60 km envisagé par la ville d’Albi ou bien celui de 150 km proposé par le Groupement Régional Alimentaire de Proximité (cf. dernière partie), sont-ils suffisants ? Seraient également à définir les types de relations commerciales inter-territoires souhaitables ou souhaités, sous forme de conventions ? Qui en discute ? Dans quelles instances ?
  • La piste agriculture urbaine, dont on parle beaucoup [cf. Atelier Parisien d’Urbanisme, 2017], si elle est intéressante pour créer des liens, produire à petite échelle fruits et légumes…, et à condition toutefois que cette production demeure en pleine terre, ne peut que petitement subvenir aux besoins d’une nombreuse population urbaine (résidents ou passagers). Aussi tout doit être entrepris pour que la ruralité et ses principaux acteurs que sont les paysans, (re)trouvent tout son sens territorial de production d’une alimentation saine, respectant la biodiversité et les écosystèmes. La loi “Agriculture et Alimentation” approuvée définitivement le 1er nov.2018, bien que voulant aller dans ce sens, a déçu tous les syndicats agricoles [cf. La France agricole, 2018]
  • Considérer la terre comme un bien commun relève encore de l’utopie et suppose d’aborder la grande et grave question de l’enclosure du foncier agricole, donc des droits de propriété et d’usage, ce qui relève de décisions politiques rendant impossible la spéculation foncière agricole. Si l’on admet, non seulement comme hypothèse mais comme réalité, que l’alimentation relève de l’intérêt général dans sa définition et dans sa réalisation, on ne peut qu’envisager à terme une approche beaucoup plus en communs de la gouvernance étroitement liée de l’agriculture et de l’alimentation, c’est ce qui est suggéré dans deux exemples rapidement présentés ci-après.
  1. Deux exemples de gouvernance

La Foncière Terre de liens (fondée en 2003)

« L’avenir de nos territoires ruraux passe par la reconstruction d’un maillage d’activités et de liens sociaux qui redonnent vie aux campagnes. L’agriculture de proximité, par son ancrage local, est au cœur de cette dynamique : elle repose sur des fermes à taille humaine et permet de tisser des relations entre les citoyens et les agriculteurs qui produisent notre alimentation. Mais en amont de tout projet agricole, il y a la terre… et c’est pourquoi Terre de Liens a inventé des solutions pour libérer les terres agricoles, réhabiliter leur statut de bien commun et en faire des lieux ouverts à la création de nouvelles activités économiques et écologiques. […]

La mobilisation citoyenne permet l’acquisition de terres. Elles sont confiées à des agriculteurs qui respectent les sols et la biodiversité. Définitivement sorties de la spéculation foncière, ces terres sont assurées d’une vocation agricole à long terme. La transmission intergénérationnelle y devient possible. Pour susciter un changement en profondeur, Terre de Liens mobilise la société civile et les collectivités publiques ».

Groupement Régional Alimentaire de Proximité (fondée en 2010)

« GRAP est une coopérative réunissant des activités de transformation et de distribution dans l’alimentation bio-locale, avec le statut de Société coopérative d’intérêt collectif (SCIC). Il promeut une gouvernance coopérative comprenant quatre collèges :

  • activités intégrées, non juridiquement autonomes (40% des voix)
  • activités associées, autonomie juridique, participation au capital (25% des voix)
  • équipe interne, dix salariés (25% des voix)
  • partenaires locaux, investisseurs… (10% des voix)

C’est également une Coopérative d’Activité et d’Emploi qui héberge des entrepreneurs qui entrent dans les champs d’activités et dans la localisation géographique

Les activités (une quarantaine à ce jour) présentes dans GRAP vendent en majorité des produits biologiques ou issus de l’agriculture paysanne, de l’agroécologie…. L’objectif est de favoriser les circuits courts et locaux. Le périmètre de GRAP est régional (150 kilomètres autour de Lyon) afin de garder une forte synergie entre les différentes activités de la coopérative. »


L’Organisation des Nations-Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) dans son dernier rapport du 22 février 2019 alerte sur les menaces qui pèsent sur la biodiversité avec risque de pénurie alimentaire. Ce rapport « présente des preuves toujours plus nombreuses que la biodiversité qui est à la base de nos systèmes d’alimentation, à tous les niveaux, est en baisse à travers le monde. » [“La FAO met en garde…” Le Monde.fr |22 février 2019]

Alors, “il est trop tard” ? Je ne le pense pas vraiment, à condition que l’on agisse rapidement ! Les deux expériences qui viennent d’être présentées sont animées par des équipes jeunes, et ce sont loin d’être les seules sur le territoire français et mondial. Ces innovations dans leurs pratiques prennent en compte les enjeux de l’agriculture et de l’alimentation : de quelle nourriture avons-nous besoin et dans quelles conditions la produire ? Mais qu’est-ce qui pourrait bien leur manquer pour qu’elles aillent au-delà du laboratoire dans lequel on cherche à les maintenir et qu’elles fassent révolution en devenant modèle politique (économique, sociale, environnementale) et institutionnel (coopération, démocratie) ? Pourquoi pas un “grand débat” public prenant en compte les alertes de la FAO et de toutes les ONG qui se préoccupent de la planète Terre, avec l’intention d’un réel débouché politique.

mars 2019

Notes

  1. Fontaine Benoît, “Alerte à la 6e extinction des espèces”, Matières à penser, Dominique Rousset. France Culture | 4 août 2018
  2. Brand Stewart, cité par Olivier Postel-Vinay dans “Le bluff de la sixième extinction”, Libération | 1 sept. 2015
  3. Brand Stewart, Discipline pour la planète Terre, vers une écologie des solutions, 2014, éd. Tristram
  4. Grandcolas Philippe, “Qu’est-ce qui tue les insectes ?”, The Conversation.com | 14 fév. 2019
  5. Hawking Stephen, “Nous sommes au moment le plus dangereux de l’histoire de l’humanité”, RT-France.com | 2 déc. 2016

Autres documents

Vers bibliographie agriculture, alimentation…


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12 réflexions sur “Vers une nouvelle révolution agricole ?

  1. Bonsoir Pierre, merci pour cette réaction rapide et votre proposition. Que voulez-vous dire au juste par « en l’inscrivant dans une page existante » ? Parlez-vous d’une des catégories, comme par exemple utopies.blog/effondrement-hubris-alternatives/ ? L’utopie du crocus a ceci de particulier qu’elle touche à beaucoup de domaines : agriculture-alimentation-territoires / biens communs-ESS / alternatives / politique / philosophie-utopie, difficile de choisir. D’ailleurs, invitant tous ces domaines à communiquer, elle les potentialise à mon avis.
    La contrepartie de ce caractère systémique est que :
    – les économistes manquant de culture écologique, et les écologistes de culture économique (en général), ils se montrent souvent intéressés mais pas convaincus
    – on ne peut guère expliquer l’idée en quelques lignes… à moins que vous n’y réussissiez, car vous avez sans aucun doute plus que moi le recul nécessaire.
    Concernant les monnaies locales, si vous avez des questions je vous recommande un spécialiste, M. Jérôme Blanc, Professeur à Sciences Po Lyon – UMR Triangle, voir https://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=auteurs&obj=artiste&no=4624 et https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-02535862. Par un bref échange de mails, il m’a aidée à être pointue sur la description du mécanisme.
    Si vous participez aux Dialogues en Humanité de M. Patrick Viveret (en ligne cette année), n’hésitez pas à lui en toucher un mot !
    Enfin, j’ai eu aujourd’hui la confirmation que le crocus aura bien sa place dans le forum Culture et Education de l’Organic World Congress à Rennes, du 8 au 10/9/2021, à raison d’une présentation orale de 10 mn.

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  2. Merci Hélène pour cette information.
    Peu sensible à la question des monnaies locales, cette proposition va me permettre de m’intéresser au sens politique de ce genre d’initiative.
    Le lien vers le projet de monnaie européenne figure dans votre commentaire, est-ce suffisant, alors que les commentaires ne sont pas beaucoup lus ?Donc on peut donner un peu plus d’ampleur à l’information en l’inscrivant dans une page existante avec une brève présentation de la proposition, mais laquelle ou lesquelles, avez-vous une idée ?

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  3. Bonjour, dans la droite ligne de cet article au très beau titre (Vers une révolution agricole ?), je vous propose une révolution douce. Ca tombe bien, votre blog s’appelle Utopies. Voici le lien :
    Une monnaie Européenne écologique – 3 mai 2020 – FutursPossibles, blog participatif pour imaginer le monde de demain. Projet de l’Université de Lausanne (UNIL)
    http://wp.unil.ch/futurspossibles/2020/05/une-monnaie-europeenne-ecologique/
    Pourriez-vous me dire ce que vous en pensez SVP ? Merci de votre attention !
    Hélène Nivoix
    Maison d’Accueil Spécialisée
    Chemin de Saint-Renobert
    25440 Quingey
    (près de Besançon)
06 62 94 46 13
    Twitter : twitter.com/HELENE_NIVOIX
    Pseudo Skype : houxnoix

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  4. « Je défends simplement le principe de précaution : c’est-à-dire dès qu’une alerte scientifique est énoncée à propos d’une manipulation génétique ou de l’usage de tel ou tel composant chimique, le ou les produits concernés ne devraient pas être commercialisés, au moins dans l’attente de vérifications plus poussées. »
    Je tend à m’opposer, un peu sur le principe et un peu sur la pratique, au principe de précaution. Et puis des fois, franchement, je trouve que ce n’est même pas le sujet… cf. mon commentaire sur le blog suivant:
    https://blogdroiteuropeen.com/2019/06/18/food-additive-e171-titanium-dioxide-a-sweet-danger-and-the-precautionary-principle-par-alessandra-donati/
    « Je défends également le principe d’une production agricole en polyculture bio, le plus possible de proximité et favorisant une mise en relation entre producteurs et consommateurs,etc. beaucoup d’experts agronomes dont Marc Dufumier »
    C’est un choix réglementaire et politique. Si on veut pousser les rationalistes (comme moi…) dans leur retranchements, on peut tout à fait pousser à des réglementations forçant l’implémentation de concepts issus de l’agroécologie. Je connais assez peu le domaine, mais pour le peu que j’en ai entendu, il n’y a rien là-dedans qui à priori heurte la science ou la rationalité. J’ai plus entendu Marc Dufumier défendre l’agroécologie que la polyculture bio (et des fois, j’ai trouvé qu’il exagérait un peu sur certains sujets dans cet entretien).
    « Mais il s’agit là d’orientations politiques qui seraient à décider en dehors de toute pression de la part des lobbys des multinationales de l’agroalimentaire, ce qui est loin d’être gagné d’avance ! »
    S’opposer à l’influence de lobbys peut se faire sur des principes rationnels. Il n’y a même pas besoin de faire rentrer le concept du bio, du glyphosate, ou des OGMs dans ce débat public. Et je ne vois pas pourquoi certains rationalistes ne vous soutiendraient pas sur le concept d’un contrôle plus serré des lobbys.
    « Voir ou revoir par exemple le dernier “Cash investigation” (France 2 mardi 18 juin 19) à propos des ventes des semences réservées dans le monde en grande partie à quatre multinationales… »
    Faudrait que je regarde cela de plus près. J’essaierai de prendre le temps. Mais encore une fois, même un libéral bon teint peut vous suivre sur le concept du démantèlement (n’ayons pas peur des mots…) des oligopoles. Ce n’est pas exactement kosher, les oligopoles.

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  5. Interrogations intéressantes et qui mériteraient sans doute de longs développements par des spécialistes, ce que je ne suis pas ! Je défends simplement le principe de précaution : c’est-à-dire dès qu’une alerte scientifique est énoncée à propos d’une manipulation génétique ou de l’usage de tel ou tel composant chimique, le ou les produits concernés ne devraient pas être commercialisés, au moins dans l’attente de vérifications plus poussées. Je défends également le principe d’une production agricole en polyculture bio, le plus possible de proximité et favorisant une mise en relation entre producteurs et consommateurs,etc. beaucoup d’experts agronomes dont Marc Dufumier démontre que cela est du domaine du possible (https://www.franceculture.fr/emissions/linvite-des-matins/face-au-malaise-agricole-evolution-ou-revolution ) Mais il s’agit là d’orientations politiques qui seraient à décider en dehors de toute pression de la part des lobbys des multinationales de l’agroalimentaire, ce qui est loin d’être gagné d’avance ! Voir ou revoir par exemple le dernier “Cash investigation” (France 2 mardi 18 juin 19) à propos des ventes des semences réservées dans le monde en grande partie à quatre multinationales…

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  6. @Norbert: Ce que je ne comprends pas, c’est pourquoi certains clivages sont aussi brutaux.

    Par exemple, j’ai tendance à penser que les OGMs ne posent que peu de problèmes. Mais que l’agriculture industrielle en pose beaucoup.

    Quand je rencontre des gens qui soutiennent les OGMs, je rencontre des gens qui soutiennent l’agriculture industrielle.

    Quand je rencontre des gens qui s’opposent à l’agriculture industrielle, ils s’opposent aux OGMs.

    Alors je me demande: pourquoi existe-t’il un tel clivage politique au sujet de la relation à la nature et à l’agriculture?

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  7. Merci pour ce commentaire, vous apportez des précisions importantes.
    Mais en onze pages on ne peut tout aborder ! et ce n’était d’ailleurs pas mon objectif
    Et bien sûr qu’il est nécessaire de prendre en compte ce qui se passe ailleurs tout en étant actif là où on vit… C’est pourquoi je soutiens le plus activement possible ce que fait Terre de liens avec le rachat de fermes à dimension humaine et où s’installent des agriculteurs développant leurs productions en bio; là, même à petite échelle, nous sommes sur au tout autre modèle que celui que vous évoquez. Et ce que fait Terre de liens devrait inspirer une toute autre politique agricole déjà en France et en Europe… c’est de cela qu’il convient de parler aux élus et futurs élus européens, et de faire connaître très largement au grand public les expériences agricoles en circuits courts, AMAP et magasins collectifs en gestion directe par les producteurs se multiplient, pourquoi n’en parlez-vous pas ?
    Bien cordialement

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  8. Bonjour, j’aurais grand plaisir à vous répondre dans le détail si ce n’était aussi long. Mais vu vos engagements politiques il me semble nécessaire de vous faire part de quelques commentaires, mal construits mais que je pense réellement fondés.

    Vous commencez par un peu d’étymologie mais vous vous arrêtez très vite en route. Dans agriculture il n’y a pas qu’agri, il y a culture. Que nous apprend Hanna Harend là-dessus :

    « La culture, mot et concept, est d’origine romaine. Le mot « culture » dérive de colere – cultiver, demeurer, prendre soin, entretenir, préserver – et renvoie primitivement au commerce de l’homme avec la nature, au sens de culture et d’entretien de la nature en vue de la rendre propre à l’habitation humaine. En tant que tel, il indique une attitude tendre souci, et se tient en contraste marqué avec tous les efforts pour soumettre la nature à la domination de l’homme. »…Hannah Arendt, La crise de la culture, 1961
    Comprenons bien : agriculture = avoir le tendre souci de la terre.

    Ensuite vous parlez des théories de l’effondrement. Pourquoi pas. Mais pas un mot sur les poisons responsables de cet effondrement. Il n’est pas juste de dénoncer l’activité humaine sans différencier.
    Les 50 dernières années sont une catastrophe. On ne peut qu’adhérer aux propos de Fabrice Nicolino quand il parle d’ Apocalypse. Trop de choses à dire pour entrer dans les détails. On en n’est plus aux hypothèses. Stop à tous les pesticides immédiatement pour enrayer l’effondrement.
    Quand vous parlez d’agriculture vivrière il faut avant tout prendre en compte ce qui se passe ailleurs : Argentine, Brésil, Madagascar etc. Ces populations meurent de produire pour l’occident (soja OGM, huile de palme etc.). Entre parenthèses nos troupeaux sont nourris grâce à l’importation. Importation de produits OGM bourrés de pesticides. Et nos troupeaux sont malades : nous mangeons des animaux malades soignés aux antibiotiques.

    Vous abordez le problème du réchauffement climatique. Evidemment qu’il est pluri-factoriel (transport, énergie, tourisme,etc). Mais il est une chose certaine qu’il est temps que tout le monde prenne en compte : l’agriculture industrielle à l’échelle planétaire est responsable de la moitié des émissions de gaz à effet de serre. Faire face et ne pas avoir peur du chaos signifie lutter aujourd’hui contre l’agriculture industrielle. Il faut lire les excellents rapports de GRAIN, ils sont édifiants et instructifs. Où croyez-vous qu’il faille chercher l’effondrement de la biodiversité (autant naturelle que cultivée)…

    L’intention révolutionnaire du bio n’est pas utopique, elle est fondamentale, indispensable, incontournable et surtout urgente. Je ne rentrerai pas dans les projections chiffrées que vous donnez. A l’heure d’aujourd’hui cela me semble inutile.

    Bien cordialement,
    Norbert, faucheur volontaire d’Organismes Génétiquement Modifiés,
    administrateur de la Campagne Glyphosate Rhône Loire.

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  9. – l’accès au foncier est effectivement un point central, le sortir de la spéculation foncière une nécessité, le boulot de Terre de liens essentiel.
    – les aides publiques PAC ne doivent pas booster l’acquisition de foncier et donc la capitalisation qui rend impossible la transmission mais contribuer à une juste rémunération avec des prix accessibles pour les consommateurs).
    – on est à un tournant concernant le départ de nombreux agriculteurs sans repreneur dans la famille, les porteurs d’utopie continuent de nous solliciter pour s’installer en agriculture, ils veulent retrouver un sens à leur vie, à nous de les convaincre que ça ne doit pas passer systématiquement par la propriété du foncier.
    – la transparence des exploitations agricoles est nécessaire notamment la capacité à payer des cotisations sociales correctes ce qui éviterait de jouer la retraite sur une vente au max de la ferme quand ce ne sont pas les enfants qui reprennent.
    – le prix que le consommateur est prêt à payer pour permettre à l’agriculteur de vivre décemment (notamment sur les produits fruits et légumes) comte-tenu des éléments précédents,
    – il me semble que les femmes peuvent avoir un rôle important dans cette histoire, (rapport différent au pouvoir et à la propriété)
    Marie-Pierre (agricultrice)

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  10. Revitaliser la campagne ne veut pas dire que tout le monde va s’y retrouver ! Déjà faire en sorte que les actuels agriculteurs puissent y vivre correctement, ensuite faire que d’autres agriculteurs puissent s’installer en reprenant des fermes, ce qui actuellement présente de grosses difficultés, financières entre autres.
    Personnellement je suis opposé à l’agriculture verticale, par définition hors sol, grande consommatrice d’énergie, d’eau et de produits chimiques; c’est ô combien artificiel… C’est la terre qui convient pour produire de quoi se nourrir, à condition de ne pas la maltraiter

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  11. L’inconnue de l’énergie ne semble pas prise en compte. Selon le coût de l’énergie , la France peut nourrir de 20 millions de personnes à 100 millions. Avec de l’énergie les villes peuvent produire en vertical et sous lampes de quoi se nourrir. Perso, je suis totalement opposé à ce qu’on m’impose une vie à la campagne à l’ancienne.

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