« Sorbonne Plage »

sorbonneSous ce titre Édouard Launet, journaliste à Libération, raconte les vacances bretonnes d’une pléiade de savants parisiens (nombreux physiciens dont plusieurs seront prix Nobel) sur la petite presqu’île d’Arcouest à proximité de Paimpol dans les Côtes d’Armor.

C’est une véritable tribu qui, depuis le début du XXe siècle, vit en « phalanstère » (l’expression est de E. Launet) pendant de longues vacances d’été. Que font-ils ? Ce que pratiquent habituellement tous les vacanciers de leur milieu : baignade, voile, pêche, fête…, dans un « entre-soi » peu favorable aux contacts avec la population locale ou d’autres vacanciers. Mais cette histoire serait sans doute d’une grande banalité si elle en restait à narrer le bien-vivre de quelques personnes aussi savantes fussent-elles ! L’essentiel est en fait dans le rapprochement que fait l’auteur entre Arcouest et Hiroshima,  le lien étant la radioactivité et la fission nucléaire. En effet, Marie et Pierre Curie, Jean Perrin… sont là au début, puis Irène et Frédéric Jolliot-Curie prennent le relai jusqu’à la fin de la Deuxième Guerre mondiale, qui verra la tribu se disperser en grande partie.

Les fondements de la tribu, c’est en premier lieu le soutien apporté à  Alfred Dreyfus, puis un socialisme humaniste, enfin une croyance quasi absolue en la science qui serait la seule capable de vraiment faire avancer l’humanité vers plus de bien-être ; et les découvertes que certains d’entre eux font sur l’immense capacité du nucléaire à produire de grandes quantités d’énergie les confortent dans cette perspective. Ce qu’ils ne maîtrisent pas, c’est l’usage qui va être fait de leurs découvertes à la fin de la Deuxième Guerre mondiale… Et la question essentielle posée dans le livre apparaît alors : il y a entre Arcouest et Hiroshima « l’image la plus achevée de ce que fut le XXe siècle : idéalisme, puis violence, puis désillusion […] Comment l’idéalisme se retrouve-t-il dévoyé dans la violence ? Et comment sort-on de la désillusion ? » Édouard Launet n’apporte aucune réponse directe à ce grand questionnement, pas plus qu’il ne cherche à accuser ni les savants, ni l’équipage de l’avion qui a lâché les bombes sur Hiroshima et Nagasaki. Il interroge l’humanité sur sa violence et nous invite simplement à en faire de même… « L’Arcouest utopie, puis nuage, puis ombre, puis rien »

Ce livre se lit aisément grâce au style vivant et coloré  de l’auteur. Du bien bel ouvrage chaudement recommandé, y compris comme lecture de vacances !

Éditions Stock, 2016

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